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LE 05/06/2021 / Des métiers...d'hommes ?

Justine : IUT EGLETONS / Ingénieure Structure

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Justine G.  : IUT EGLETONS 2012-2014



J’ai fait un bac S SVT option physique chimie. Le but initial était de faire architecte, parce qu’à 17 ans on ne connait pas tous les métiers du bâtiment. Je n’étais pas assez douée pour faire un parcours « artistique », et je n’étais pas motivée pour faire un bac S SI. Déjà parce que j’avais mes habitudes dans mon lycée, et puis surtout parce que mon plan « B » si je n’arrivais pas à entrer en école d’architecture ; c’était Science Po Journalisme.
 
Bref, j’ai demandé 3 Ecoles d’architecture sur Parcours Sup : Toulouse (dossier), Lyon (concours) et Bordeaux (dossier). Je me suis faite refusée directement pour Bordeaux, pour Lyon j’ai passé le concours mais ils n’ont pas voulu de moi, et pour Toulouse j’étais en file d’attente, qui pouvait être très longue, pendant plusieurs mois pour ne déboucher sur rien du tout.
En 4ème vœu j’avais mis IUT GC Egletons, en me disant ce n’est pas grave tu passeras par la fenêtre si la porte est fermée.
Je n’ai pas eu envie d’attendre, donc j’ai dit à Toulouse que j’abandonnais, et je suis partie à l’IUT GC.

Débuts laborieux, parce que j’étais un peu dégoutée d’être là, dans mon cerveau j’allais faire mes études dans une grande ville avec mes copains, etc… le 1er semestre n’a pas été terrible. Et à ce moment-là j’avais toujours dans la tête de continuer en architecture après mon DUT.



Mon tuteur m’a mis un coup de pied aux fesses, en me disant des choses qu’on ne m’avait jamais dite, telles que « on va te réorienter » « on va penser à un redoublement », alors que je n’avais jamais eu de difficultés dans ma vie scolaire avant. J’ai donc eu un déclic, je me suis dit c’est le moment de tout défoncer Justine ! Je n’ai fait que progresser jusqu’au 4ème semestre. Là je savais que je voulais faire Ingénieure Structure, c’était calé, du coup la suite logique c’est école d’ingénieur ! Ils ne m’ont pas voulu… (je te passe les détails), et comme j’ai pas pour habitude de laisser tomber, j’ai fait un MASTER I.M.R.O à Egletons, pour avoir un bac + 5 en GC et avoir le niveau ingénieur même si je n’avais pas le statut. En plus Ingénieur Inspection Maintenance et Réparation des Ouvrages, c’est plutôt cool !
Pour résumer : j’ai un bac S SVT option Physique Chimie, un DUT GC et un Master IMRO (Inspection Maintenance et Réparation des Ouvrages).
 
Je raconte tout ça parce qu’en fait, ce que je fais actuellement dans la vie, c’est ce que je pensais faire en étant architecte. Et sans passer par l’IUT je ne m’en serais jamais rendue compte.





Mon métier : Ingénieur Structure

Je travaille en collaboration avec les Maîtres d’œuvre / Architectes / Maître d’Ouvrage en tant que conseil pour :

  • --  Apporter des solutions techniques vis-à-vis d’un problème structurel : ça c’est le côté ingénierie.
    --  Gérer les interfaces entre les entreprises de gros œuvre/charpente et le Maître d’œuvre (via la réalisation de plans EXE ou de notes de calcul) : ça c’est le côté ingénierie et structure.
    -- Dimensionner des éléments structurels conformes aux  Eurocodes (et optimisés) : ça c’est le côté ingénierie.
    -- Gérer un projet en analysant les points techniques particuliers (autrement dit les endroits où ça ne fonctionne pas, où ça ne passe pas vis-à-vis des contraintes architecturales ; les éventuelles dispositions constructives qui n’ont pas encore été vues en conception etc.) : ça c’est le côté ingénierie et structure.
    -- Connaître les différentes réglementations (Eurocodes, DTU…) : ça c’est le côté Structure.
    -- Accompagner les projeteurs avec qui je collabore pour leur donner des solutions techniques : ça c’est le côté management.
 
Etant donné que la structure où je travaille est une PME de 7 salariés, je fais aussi un peu de commerce, même si ce n’est pas mon cœur de métier, mais créer des liens commerciaux avec les clients fais partie intégrante de la vie de l’entreprise.




Une journée type
 
  • --   Arrivée au bureau : on regarde les mails et les éventuels coups de fils.
    --   Ensuite on priorise les affaires à traiter dans la journée, en fonction de leur importance/urgence/temps de traitement.

    --   Je me lance sur une affaire, en moyenne un plan « basique » me prend une journée, un plan complexe (immeuble, structure métallique industrielle, toutes ces choses-là) me prend entre 3 et 4 jours. Il est TRES RARE que je puisse effectuer mes taches en continue, parce que je reçois environ 4 appels par heures, donc 2 en moyenne pour me dire «  au secours il faut que tu m’aides vite vite vite ».

    --   Du coup, je compte mon temps par affaire en heures et pas en jours, parce que je passe 2h sur 1 projet, puis 30 minutes sur un autre, puis 5 minutes sur un DTU pour renseigner un client, puis 1h avec un projeteur pour lui donner les infos sur un dossier, etc. Je précise que tous les ingénieurs structure ne travaillent pas de cette manière, c’est la taille et la mode de fonctionnement de l’entreprise qui veulent ça. Mon travail est très « haché », et c’est ça qui le rend intéressant. Parfois c’est un peu frustrant parce qu’on n’a pas l’impression d’avancer, mais la vérité c’est que mon métier c’est d’aider les gens en premier lieu, donc si je dois traiter une urgence avant une autre pour aider au mieux mes clients, je le fais.
    Je travaille le temps nécessaire (souvent après mon horaire officiel) pour essayer de tenir mes délais au maximum

    --   J’anticipe une question : je vais rarement aux réunions de chantier. On traite peu de marchés publics, donc nous sommes souvent sous-traitants des entreprises, on gère des projets à Paris et à Bordeaux, on commence à avoir l’habitude de gérer à distance. En revanche, on essaye toujours de faire une visite de chantier ou de l’ouvrage avant le commencement de l’étude. C’est toujours mieux de voir avant de dessiner !

    --   On fait des diagnostics ! Une fissure apparait : due à quoi, quelle est la possible évolution, on fait quoi pour réparer ? Tassement de sol ? Eaux pénétrantes ? Charpente qui fonctionne mal ? Et là je cite uniquement l’exemple de la fissure mais y’en a des milliers d’autres différents !

    --   Ah oui, petite précision, je suis ingénieur structure, mais je dessine autant que je calcule. Dans les gros BE, les ingénieurs ne font QUE du calcul et délèguent tout le dessin chez les projeteurs. Ici ce n’est pas comme ça et j’aime bien.



Expérience marquante

Je crois que c’est comme tous les ingénieurs débutants, c’est mon premier projet. Un immeuble en région parisienne (Colombes) (il y a plus simple comme première tâche, mais au moins on se lance vite dans le bain !). La conception a été faite en dépit de toute logique structurelle, les poteaux pas alignés, toute la descente de charge des étages qui tombent au milieu de nulle part dans le sous-sol, pas de possibilité de mettre des poteaux car c’est un parking, bref… tu rassembles toutes les contraintes possibles, tu les mets dans un projet, et c’était celui-là.

J’en ai bavé (je pèse mes mots), mais je crois que c’est l’affaire la plus formatrice que j’ai eue à faire depuis maintenant 4 ans que je suis en poste. Grosse pression de la part du client car très pressé, beaucoup de points techniques inconnus ou non maitrisés à l’époque mais à gérer. Bref, beaucoup de choses à apprendre et à comprendre en très peu de temps avec le client qui appelle, sans mentir, toutes les 30 minutes. Pas facile, mais fière de l’avoir terminé et réussi !






Mon métier me plait-il ?


Je suis vraiment passionnée par mon métier, déjà parce qu’il a énormément de facettes différentes. Ensuite parce que dans l’entreprise où je suis :
  • -- On traite tous les matériaux possibles : béton, bois, acier, carbone, aluminium même parfois.

    -- On traite plein de projets différents : Industriels, maison, immeubles, reprises en sous œuvre, surélévation bois, en bord de mer, en plaine, des silos, etc.

    -- On essaye d’acquérir des connaissances à chaque nouvelle affaire

    -- On bouge dans presque toute la France, on a même été jusqu’à Mayotte !

    -- M. Nicolas, mon responsable, qui est aussi le gérant de ICS NICOLAS, est expert judiciaire. Cela signifie que lorsqu’une procédure est engagée entre une entreprise et un particulier (entre autres, y’a pleins d’autres cas mais c’est pour faire synthétique), le tribunal engage un expert pour aider le juge à juger. C’est une procédure assez particulière et ça ressemble à un gros diagnostic et c’est super intéressant !
 
Et je suis partie pour faire ça toute ma vie oui ! Je considère que je changerai de métier quand j’aurai fini de balayer toutes les connaissances sur le sujet, autant dire que ce n’est pas demain la veille, et y’a moyen que j’arrive à ma retraite (si j’en ai une) sans avoir tout balayé…





Avantages et inconvénients '' d'être une femme''

Avantages :
 
  • --  Les gars sont parfois plus « gentils » ou prennent plus de « pincettes avec nous », comme si on était en sucre. Bon, ce n’est pas vraiment un avantage mais je ne peux pas le mettre dans la case des inconvénients

    --  De manière générale, on est quand même vachement mieux organisées qu’eux, c’est rangé, classé, justifié, calculé, …

    -- Sortant de l’IUT, et tu dois savoir de quoi je parle, on a été « habituée » à évoluer avec beaucoup d’hommes, donc ça fait partie intégrante de notre formation.

    --  Y’a pas vraiment d’avantages à être une femme en réalité. Tout ce que veulent les gens c’est quelqu’un qui fait bien son travail, que ce soit un homme ou une femme, la plupart ne s’en préoccupent pas. Mais pour ce qui ne s’en foutent pas…

     
Inconvénients :
  • --  On nous confond avec la secrétaire régulièrement (véridique) (En plus par abus de langage on dit tout le temps LA secrétaire, comme si c’était un poste réservé aux femmes, mais bon bref passons, ça c’est mon côté féministe)

    --  On préfère parler avec un homme plutôt qu’avec nous, par manque de confiance, par sexisme, par habitude, par conviction. Certains ont gardé les coutumes de leur carrière jusqu’à aujourd’hui, c’est compliqué de les faire changer, il faut ravaler sa salive et passer le téléphone à un homme avec qui il voudra bien parler. Ça m’est déjà arrivé qu’un client me donne très peu d’information au téléphone lorsque je lui ai passé un coup de fil, une fois raccroché il a appelé mon responsable pour discuter technique avec lui et lui donner toutes les informations (sous-entendu : je n’étais pas capable de comprendre ce qu’il allait me dire)

    --  Parfois c’est par manque d’habitude aussi, ils sont un peu déstabilisés d’avoir une voix féminine au téléphone quand ils appellent l’ingénieure structure pour leur parler de béton XC2 C30/37.

    --  Je suis très chanceuse dans mastructure car je ne vis rien de tout ça en interne, je ne le vis qu’avec certains clients (et ce n’est pas une majorité, heureusement), mais j’ai des amies qui doivent encore faire leur preuve, au bout de 4ans, alors qu’un jeune homme embauché depuis 6 mois a déjà fait ses preuves à la fin de sa période d’essai, et rien à voir avec les compétences, crois moi…

    --  Parfois on veut nous surprotéger, et cela ça m’agace. « Non mais descend pas dans la cave, j’y vais », « Non mais monte pas à l’échelle, j’y vais », « Non mais je vais descendre prendre le marteau, ça t’évitera de le porter », « Non mais on va se mettre à l’abri je ne veux pas que la demoiselle casse son brushing ». Pour la plupart d’entre nous, on sait très bien à quoi s’attendre en ayant choisi cette voie, oui quelquefois il faut escalader des choses, oui quelquefois il faut monter à des échelles, porter des choses un peu lourdes, descendre dans des caves, mettre un harnais, sécuriser la descente, monter dans une nacelle etc… Oui on a moins de « puissance » qu’un homme, mais si on ne demande pas à être épargnée, ne le faites pas à notre place.
Je fais partie de cette catégorie de femme qui refuse d’être protégée tant que je n’en ressens pas le besoin et je considère que ça fait partie intégrante de mon métier de trainer un peu dans la boue, de faire des réunions de chantier sous la pluie et de monter sur des toits douteux. Cela fait un peu sévère comme phrase mais ça reflète bien ce que je pense.




Parcours de formation


Qu'est ce qui change entre faire une école d'ingénieur et un master ? Notamment par rapport au contenu des cours, s'il y a ou non une différence de niveau, est-on formé à la même chose ? Les entreprises font-elles une différence entre un master et une école d'ingénieure lorsqu'elle embauches ?
 
C’est une question de niveau ou de statut.  Quand tu as un master, tu as un niveau bac +5, quand tu as un diplôme d’ingénieur, tu as aussi un niveau bac +5.
Quand tu as un master tu as un statut « masterisé » quand tu as un diplôme d’ingénieur tu as LE papier où il est marqué que tu es ingénieur.
Certaines entreprises font la différence et exigent un diplôme d’ingénieur ! Mais pas toutes (je pense que ça se fait moins aujourd’hui… mais ce n’est que mon avis, à vérifier).
 
Concernant les cours, la différence ne se joue pas sur le nom mais sur la spécialité. Certains masters sont spécialisés, d’autres non, idem pour les écoles d’ingénieur.
Le but réel du bac +5 c’est d’engranger des connaissances théoriques, des « outils », et surtout former les gens à utiliser leur cerveau.
Pour les écoles d’ingénieur type conducteur de travaux c’est également un moyen de leur apprendre des techniques générales de chantier, des notions d’organisation etc.
 
Un ingénieur c’est quelqu’un qui sait réfléchir et trouver des solutions. C’est ça son vrai métier, que ce soit ingénieur mécanique, électrique, structure, géotechnique, travaux, méthode etc… et j’en passe !


 
Tu parles d’ingénierie et de structure, je ne suis pas sûre de bien avoir compris la différence entre les deux, est-ce que « grossièrement » le côté structure ce sont les plans et les Eurocodes, et le côté ingénierie c’est plutôt le calcul et les solutions apportées ? 
 
C’est exactement ça ! Ça rejoint un peu ce que je t’explique au-dessus.
Je suis ingénieure parce que je cherche (et la plupart du temps je trouve... Je fais de mon mieux !) de solutions adaptées.
Je suis dans la structure car je travaille avec les Eurocodes et que je sais faire des plans, comprendre ceux des autres, je maîtrise des éléments techniques du bâtiment etc…
 
Je suis donc… INGENIEURE STRUCTURE !


 
Tu travailles combien d’heure par jours environ ? Les week-ends aussi tu travailles ? 
 
Alors, je suis cadre.
Cela signifie quoi, pour faire simple : un cadre est payé à la mission et pas à l’heure. Ça veut dire que si il finit son boulot en 4h au lieu de 2h il est content, mais si il est obligé de rester 3h le soir pour tenir son délai, ça fait aussi parti de son job. En tout cas c’est comme ça que je le vois et c’est plutôt le cas dans les pratiques courantes.
Officiellement je travaille 8h par jours (je suis sur un contrat de 39h), sauf le vendredi où je fais 7h.
En vrai, je suis plutôt autour des 10/11h par jour, ça dépend des périodes.
En revanche, le week end c’est le week-end ! (Mon téléphone pro ne BOUGE PAS du bureau, sauf si je suis en déplacement).

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Témoignage recueilli dans le cadre de leur projet tutoré de première année IUT par :   Inès BION /  Cecilia GAYDIER / Maelyss LASTEYRAS
 

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